portrait Denise

« Que c’est beau Brethous »

L’été 2025 a été marqué par la disparition de Denise, ma mère.

« Que c’est beau Brethous » C’était ce que disait souvent Denise. Elle nous a quittés le 18 juillet.

 Elle avait 98 ans…

Elle a beaucoup œuvré pour la promotion des vins de notre AOC et elle s’est engagée pour les vignerons et aussi pour la reconnaissance du travail et de l’indépendance des agricultrices. Nous créerons une cuvée à son image : tonique, vigoureuse, franche et libre, accueillante, tellement dynamique, passionnée par le terroir, les vignes, les bois, la nature et la musique.

Elle était l’aînée de 7 enfants. Ils vivaient au centre de Paris, sur l’Île de la Cité.

Son adolescence parisienne est marquée par des années de scoutisme où elle parcourt Paris et sa banlieue à bicyclette avec ses amies.

Elle développe déjà son sens de l’organisation, du collectif et des responsabilités.

La famille vit en parti en Sologne Elle y fait les 400 coups avec ses grands cousins. Elle découvre la forêt avec son parrain qui lui apprend à reconnaître les arbres. De là, vient son attachement à la nature et à l’écologie.

Elle a 2 chèvres, qu’elle trait pour faire du fromage, au grand damne de sa mère.

Elle adore lire un livre, perchée dans un arbre. Seul Fernand, le garde forestier, la trouve.

Pendant la guerre, elle y mène ces frères et cousins à vélo jusqu’à l’école, au sifflet.

Denise passe la terminale à Paris rue d’Hulst, tire la langue sur la photo de classe et se fait virer. Cela ne l’empêchera pas d’avoir son bac à 16 ans. Sa cousine May dit d’elle qu’elle était très ouverte, très libre d’expression, elle aimait la musique et les livres. Elles refaisaient le monde ensemble sur les quais de la Seine entre le quai d’Orsay et l’île de la Cité.

Après une formation d’infirmière elle part pour une campagne de vaccination BCG au Maroc avec la Croix Rouge. Elle apprécie cette nouvelle liberté, cette culture différente. Elle conduit la jeep pour rejoindre les dispensaires dans le bled.

Une fois elle aide à un accouchement par le siège. Avec son livre de médecine sous les yeux, elle repositionne l’enfant dans le ventre de sa mère. La naissance est réussie.

Elle rencontre des gens dynamiques et surtout François, ce bel homme, calme, droit, courageux, travailleur et gentil. Papa la charme en chantant le répertoire des scouts. Ils ont les mêmes valeurs.

Nos parents se marient le 2 août 1952 au Portail, en Sologne.

Rémy et Valérie naissent alors qu’ils habitent toujours au Maroc, à Maaziz, dans le bled.

De retour en France, ils s’installent en Gironde d’abord à Capian au Grand Moueys, puis ils achètent Brethous en 1963.

Ils vont travailler dur tous les 2. François fait du bon vin et Denise le fait savoir. Ils s’engagent dans la vie syndicale agricole.

Fort de leur engagement et de leur vitalité, je suis conçue au retour d’une commission féminine. Elle a 42 ans. Ils vont rester jeunes…

Elle reçoit le grade de Chevalier du Mérite Agricole pour son engagement dans les Associations Familiales Rurales.

Denise sera active dans la commission féminine de la FDSEA quand le travail des femmes était peu reconnu et où elles n’avaient ni statut ni indépendance. Avec ses copines, elles menacent de monter une liste d’agricultrices pour les élections à la chambre d’agriculture si la liste majoritaire, composée uniquement d’hommes, ne présente pas de femmes. Les hommes cèdent. 4 femmes sont élues.

Denise développe la vente directe des vins de Brethous. Ils sont précurseurs. C’est un formidable outil de belles rencontres.

 

Très engagée dans la promotion des 1 ères côtes de Bordeaux, elle sera secrétaire générale pendant 15 ans. Elle travaille en équipe avec des vignerons et vigneronnes dynamiques, engagés et talentueux. Ils sont très attachés à leur terroir et ont le sens du collectif. J Fourès dit qu’ils partagent des moments de gaieté, de complicité et de travail bien sûr.  Denise est la véritable cheville ouvrière du syndicat.

Les côtes font leur place. Les journalistes et écrivains se régalent d’entrecôtes au bout du rang de vigne, du couscous et du clairet. Ils font la réputation des côtes avec ces vignerons et vigneronnes qui étonnent par leur authenticité et leur dynamisme. Leur charme agit.

Avec cet engagement, elle rentre au CIVB, à la commission promotion et bientôt à l’INAO. Elle est la première femme ‘personne qualifiée ‘à l’INAO.  Elle n’est pas de ce milieu mais son franc parler et son dynamisme font la différence. Elle est reconnue par ses pairs.

De même elle devient connétable, l’une des 4 premières femmes en 1982 et est rapidement chancelière… C’est-à-dire que là encore, elle assume tout le travail d’organisation et de motivation des viticulteurs.

Denise Verdier devient connue pour son dynamisme, son sens de l’accueil, son sens critique aussi. Elle pose des questions, elle s’engage. Elle remue les vignerons et leurs instances.

Dès 1982, Brethous rentre au CVL. Naissent de belles amitiés de vignerons de caractères, de toute la France, à Bergerac ou à Gaillac, en Languedoc, en Bourgogne, en Pays de Loire, et j’en passe… Que de bons moments partagés, que de bons vins, que de vie !

Entre vignerons, ils échangent… Les terroirs, les vins, les caractères, le commerce, les salons dans toute la France et Dieu dans tout ça…

Au Club, on la trouve toujours souriante, volontaire et combattante, elle laisse beaucoup de bons souvenirs aux vignerons du club.

Elle est très fière de nous léguer ce groupe, et nous sommes ravis d’y participer.

Quand nous sommes passés en bio, sa 1ère réaction a été : ‘ah on va enfin travailler intelligemment !’

D’autres ont peur de l’évolution, des changements, de la remise question, de l’écologie… Pas elle !

Elle a fini par prendre sa retraite… à 90 ans. « Que vais-je devenir ? » me demandait elle ?

Passionnée par son métier de vigneronne, elle est très attachée à Brethous. « Il y fait bon vivre. »

Comment la qualifier ? Espiègle, vive et dynamique, engagée, moderne, généreuse, accueillante, organisée, chaleureuse et droite, dominante, critique voire râleuse, elle aimait les pensées originales, libres.

Merci Maman

Bon vent bonne mère…

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